[27 mars 2025] En Île-de-France, le nombre de petites chaufferies biomasse - au bois - de faible puissance a été multiplié par 4 sur 10 ans, lié à l’orientation prise avec le bois-énergie pour contribuer à la décarbonation et au coût modéré de ce combustible. En Île-de-France, ces installations sont majoritairement employées pour chauffer des bâtiments de grande taille tels que des hôpitaux, EHPAD, écoles ou mairies. Toutefois, ces installations émettent des polluants de l’air, nocifs pour la santé, à savoir des gaz et dans de grandes proportions, des particules fines et ultrafines. Les chaufferies biomasse de faible puissance font aussi l’objet d’une réglementation moins importante et moins contraignante en matière de suivi et de limites de rejets de polluants que les chaufferies de forte puissance. Afin d’éclairer les politiques publiques vis-à-vis de ces équipements, Airparif a mené pour la première fois une étude des émissions de ces chaufferies en conditions réelles et pendant la période de chauffe. Les résultats montrent que ces chaufferies émettent 6 à 15 fois plus de particules fines que les chaufferies biomasse de grande taille et de forte puissance et cela, quel que soit le combustible utilisé (granulés ou plaquettes forestières). L’étude permet aussi d’identifier des pistes de limitation de ces émissions, comme le réglage optimal des débits d’air et l’utilisation de granulés plutôt que de plaquettes forestières.
Un enjeu de pollution particulaire dans des proportions variables en fonction du combustible et de l’installation
La combustion du bois est l’un des moyens de production d’énergie les plus polluants pour l’air, avec la combustion du charbon. L’étude menée par Airparif confirme que les petites chaufferies biomasse émettent des quantités non négligeables de particules fines (PM2,5, soit les particules inférieures à 2,5 micromètres). Ces quantités apparaissent en moyenne inférieures aux estimations théoriques actuellement disponibles (s’appliquant pour toutes les chaufferies < 20 MW) utilisées pour les inventaires d’émissions nationaux et régionaux lorsqu'elles emploient des granulés (-37%), mais en revanche supérieures lorsqu'il s’agit de plaquettes forestières (+59%).
L’étude montre également que les petites chaufferies biomasse sont plus polluantes que les chaufferies de plus grande taille et puissance, en raison d’une moindre efficacité de la combustion, mais aussi du fait que les chaufferies étudiées ne disposent pas de système de filtration. En effet, à chaleur fournie identique, les petites chaufferies biomasse alimentées aux granulés émettent en moyenne 6 fois plus de particules fines (PM2,5) que des chaufferies biomasse de grande taille et puissance (> 50 MW), et en moyenne 15 fois plus quand elles sont alimentées aux plaquettes forestières.
Comparées à des chaudières ou poêles à granulés individuels (qui sont les moyens de chauffage individuels au bois les moins polluants pour l’air), les petites chaufferies biomasse évaluées émettent nettement moins (-53%) de particules fines lorsqu'elles utilisent des granulés, mais a contrario plus (+17%) lorsqu’elles sont alimentées aux plaquettes forestières.
A titre de comparaison, d’autres moyens de chauffage n’émettent aucun polluant de l’air et très peu de gaz à effet de serre, comme les pompes à chaleur et les réseaux de chaleur basés sur la géothermie.
Des leviers d’action pour réduire les émissions de polluants des petites chaufferies biomasse
En dehors d’un passage à des moyens de chauffage sans émissions de polluants de l’air, la comparaison des quantités de polluants émises par chacune des chaufferies instrumentées a permis d’identifier plusieurs leviers permettant de limiter la pollution aux particules émises par les petites chaufferies biomasse :
- Lors du choix initial, bien dimensionner les chaudières en fonction des besoins de chauffage : les mesures réalisées ont montré que certaines chaufferies avaient des cycles de fonctionnement très irréguliers, avec de fréquents démarrages et arrêts dégradant la qualité de la combustion et provoquant une augmentation des émissions de polluants dans l’air.
- Réglage de l'excès d'air : un excès d’air trop important, souvent lié à un mauvais réglage, augmente fortement les émissions de particules fines, même s’il tend à diminuer les émissions concomitantes d’oxydes d’azote (NOx), un autre polluant de l’air. Il provoque une baisse de la température du foyer, dégradant ainsi la qualité de la combustion. Un réglage plus précis des débits d’air entrants doit permettre de réduire efficacement ces émissions, tout en conservant un excès d’air suffisant.
- Type de combustible : le type de combustible influe fortement sur les émissions de polluants de l’air des petites chaufferies. Les chaufferies alimentées aux granulés entraînent globalement des émissions de particules fines moindres que celles alimentées en plaquettes forestières. Cela s’explique notamment par une présence plus importante de sodium et de potassium dans les plaquettes forestières qui favorise une augmentation des émissions de particules fines.
Dans la perspective d’un développement des chaufferies biomasse pour des enjeux de décarbonation, les mesures d’émissions effectuées dans le cadre de l’étude permettent de mieux connaître et quantifier les émissions de polluants de l’air émises par les petites installations à l’échelle nationale et européenne. La méthode développée peut être mise à disposition pour d’autres campagnes de mesures permettant de ce fait de développer ces connaissances et ces comparaisons.
Cette étude a été réalisée en partenariat avec Atmo Auvergne Rhône-Alpes, l’Ineris, l’Ademe et l’Anses. Elle a été financée par l’astreinte décidée par le Conseil d’État dans le cadre de la condamnation de l’État français pour non-respect des valeurs limites réglementaires en matière de qualité de l’air sur l’ensemble du territoire, ainsi que par la Métropole du Grand Paris et un appui d’Atmo Auvergne Rhône-Alpes.
La synthèse du rapport et le rapport : AIRPARIF. Mesures à l’émission de petites chaufferies biomasse (< 500 kW) en conditions réelles d’exploitation - [en ligne]. 2025. Disponible à l'adresse : https://www.airparif.fr/etudes/2025/etude-mesures-lemission-de-petites-chaufferies-biomasse-500-kw-en-conditions-reelles